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— « Vois-tu, trop de pères de famille nombreuse (ô sainte revanche des berceaux !) ont laissé leurs fils quitter trop tôt l’école et aller s’enliser dans des situations sans issue, pourvu que cela puisse rapporter quelques cents de plus au foyer. »

— « Oui. Tous ces jeunes qui, encore de mon vivant, s’empressaient de devenir messagers de pharmacie, commissionnaires d’épicerie, livreurs de pain, de lait, passeurs de circulaires, laveurs de vitres, etc. »

— « D’autres pères de famille, qui se croyaient plus malins et plus avisés, utilisaient leurs petites influences et leur promesse de vote auprès de leur conseiller municipal ou de leur député. Leurs fils devenaient de minables manœuvres du fonctionnarisme : garçons d’ascenseur, portiers, facteurs, messagers au parlement, commis à la Régie des alcools, etc, etc », lui dis-je.

— « Aux yeux du père de famille, c’était là des situations de tout repos, à salaire assuré, ne demandant ni initiative, ni désir de monter plus haut. Du reste, pareil désir eut été vain, puisque leur manque d’instruction les rendait incapables de faire mieux. Pas vrai ? »

— « Leur manque d’instruction ? Oui, leur manque d’instruction !… Ceci me rappelle que j’ai rêvé d’être ministre de l’Instruction publique ! Duplessis n’a pas voulu et mon rêve est allé chez le diable. « Oh, pardon ! monsieur le diable ! J’oubliais que vous êtes là, et que nous sommes vos hôtes ! Mille pardons ! »

Le diable éclata de rire et reprit aussitôt :

— « Ne vous en faites pas, M. Francœur. Je suis habitué à ce genre de remarque qui, au fond, est assez juste. Tout ce qui rate dans le monde