Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— « Moi aussi, je l’ai connu, mon oncle !… Mais il y a tout de même Gershwin. »

— « Celui-là, oui ! il a écrit de la musique d’inspiration nègre et c’est le seul compositeur de jazz auquel je reconnais du talent… presque du génie ! »

— « Que pensez-vous, hasarda le diable, de Duke Ellington, de Cab Calloway, de Bennie Goodman ? Pour certains de nos damnés, les écouter est un des plus cruels supplices ! »

— « Une bande de morveux et de montreurs d’ours qui essaient de mettre en musique les plaintes qu’on entend au Mur des Lamentations de Jérusalem, pour en faire de la musique de danse, » déclara Laliberté.

— « Avez-vous remarqué, dit le diable, que rien n’est si triste et si désemparé que certains airs de danse américains ? »

— « Tu as raison, mon vieux, lui répondis-je, je l’ai maintes fois constaté au Château Frontenac et à l’hôtel Reine Élizabeth. Franchement, ces larmoiements de chatte en rut me donnent la crampe. »

— « La musique américaine, ajouta mon oncle, braille ou fait du vacarme. Si c’est ce genre de musique-là que Josué fit jouer en faisant le tour des murs de Jéricho, ça ne m’étonne pas que tout ait croulé. »

— « Et si, repartit le diable en riant, vos édifices ne croulent pas, sous l’effet de la musique américaine, vous devez en rendre hommage aux architectes qui construisent, en prévoyant les tremblements de terre et les dangers du jazz. »

— « Je veux bien croire, monsieur le diable, reprit mon oncle, mais c’est tout de même dom-