— « Et, surtout depuis la dernière guerre, peux-tu compter les myriades de disques de chansons idiotes qu’elle nous vend ? »
— « Que veux-tu, mon oncle, c’est si commode pour la France de nous refiler les disques que même ses coloniaux les plus stupides ne veulent ni entendre, ni acheter ! »
— « En tout cas, ce n’est ni toi, ni moi qui en avons acheté, hein ? »
— « Assurément ! Mais je me souviens encore, après toutes ces années, des merveilleux disques des grands maîtres que tu nous faisais tourner à ton studio. Te souviens-tu, lorsque tu montais sur une chaise et faisais de grands gestes, en battant la mesure, et quand tu nous nommais les divers mouvements de la musique des Maîtres-chanteurs ou de Percival ! »
— « Oui, comme c’est loin, tout cela ! Je te revois, affalé dans un de mes fauteuils, envoûté, au point que tu oubliais de souffrir de ne pouvoir fumer dans mon studio. Avoue, Serpent noir ! que tu devais trouver cela dur par moments ! »
— « Eh bien, non, mon oncle, je ne trouvais pas cela dur ! D’ailleurs, je savais que ta défense de fumer était un magnifique moyen d’éloigner de ton studio, les snobs et les parasites qui t’auraient infesté. »
— « Ah, tu avais deviné mon truc ? Je ne te croyais pas si intelligent !… Et puis, je t’avouerai que je suis touché que tu te rappelles encore ces soirs-là. »
— « Veiller chez toi, mon oncle, c’était un grand honneur pour moi ; t’en es-tu jamais douté ? »
— « Serpent noir ! je ne te croyais pas si bête ! »