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geant les ruines, de temples immenses et d’une architecture inconnue, nous poussâmes des cris d’étonnement.

« Calmez-vous, répétaient nos nouveaux amis, cela n’est rien en comparaison de ce que vous allez voir bientôt. »

« En deux heures nous parcourûmes les vingt-six kilomètres qui séparent Aurengabad d’Ellora, où les temples, encore habités par des brahmes, sont des chefs-d’œuvre de l’architecture hindoue, ils dépassent tout ce qu’on peut imaginer.

« Figure-toi, Paul, que ces monuments datent au moins de deux mille cinq cents ans, et, suivant des documents qu’ils soutiennent absolument irréfutables, les brahmes affirment que plusieurs des temples ont été construits il y a près de huit mille ans.

« Grâce à nos conducteurs, nous pûmes pénétrer bien avant dans l’enceinte sacrée, visiter le temple de Sivah et admirer la statue de Bhavani.

« Nous étions écrasés, muets, saisis, devant cette grandeur et cette puissance dont nous n’avions jamais eu l’idée ; il nous semblait rêver quelque chose de surhumain.

« Un dîner succulent nous ramena vers la terre. Ce dîner, un peu long, où l’on porta un nombre infini de toasts, était vraiment splendide, servi au mess d’un régiment du génie anglais, sous des tentes élevées, au travers desquelles d’invisibles éventails nous envoyaient constamment un courant d’air des plus agréables, car, même à la hauteur d’Ellora, il fait très chaud.

« À minuit, officiers et convives continuaient à boire de l’excellent Champagne glacé, pendant que plusieurs des nôtres et moi dormions à poings fermés sur des divans bas, disposés autour de la tente. Enfin nous fûmes conduits aux appartements préparés à notre intention. Il avait été convenu que nous visiterions les écuries du génie anglais le lendemain dès l’aube. Après une excellente nuit et une non moins excellente tasse de thé, nous trouvâmes nos hôtes prêts à nous guider au travers de ces bâtiments construits pour des géants, comme tout ce que renferme Ellora. Les écuries abritent non des chevaux, mais des éléphants de la plus grande race ; ces derniers sont chargés de tous les travaux pénibles ou autres, tels que construction, déchargement, transport ; ils remplissent les citernes, ils charrient des pierres, ils déracinent des arbres, etc., dociles, sobres, ordonnés, par-dessus tout intelligents. Le matin, à heure fixe, leurs cornacs arrivent, ouvrent la porte des écuries, et expliquent à chaque éléphant quelle sera sa tâche quotidienne.

— Non, interrompit Paul, qui avait écouté la bouche ouverte, tout yeux et tout oreilles, non, Dinand, tu te moques de nous.