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percé semble condamner l’ancienne navigation. Nos devanciers haussaient pourtant les épaules lorsque devant eux on prédisait le succès, surtout de transit, réservé de nos jours au canal de Suez.

D’autres gigantesques travaux déjà commencés s’accompliront sûrement à plus ou moins courte échéance. La vitesse des machines nautiques augmente chaque année, ainsi que la portée des canons et par suite le poids, le déplacement d’eau comme la force de résistance et la solidité du blindage des vaisseaux.

Des avisos et des canots ont filé jusqu’à vingt nœuds à l’heure, portant des torpilles dont une seule, en partant, coûte de dix à douze mille francs. En temps de guerre, une torpille heureuse pourrait en quelques secondes détruire un navire ennemi valant huit ou dix millions. Tous ces chiffres ne donnent-ils pas le vertige, et en les alignant ne se prend-on pas à regretter cette vieille marine à voiles, aujourd’hui presque à l’état de légende ?

Mme  de Résort venait de gravir la haute échelle de tribord, admirant presque malgré elle ce splendide vaisseau dont le départ allait coûter bien des larmes.

Le commandant lui offrit son bras pour la conduire dans la salle à manger. Le déjeuner était déjà servi.

Occupé, comme le sont en pareils jours les seconds des navires, M. de Résort ne rejoignit les convives qu’à table.

Le commandant avait revêtu sa grande tenue, et s’adressant à Madeleine :

« Je vais, lui dit-il, descendre à terre aussitôt le café pris, et, si vous le voulez bien, madame, j’aurai l’honneur de vous reconduire, car ma baleinière sera désormais la seule à quitter le bord.

— Et si vous désirez nous voir appareiller, le commandant m’a offert de vous déposer tous deux à bord du Dauphin ; vous y serez mieux qu’à terre, » ajouta M. de Résort.

Jean parlait ainsi les yeux baissés, évitant de regarder sa femme dont il venait de remarquer les mains tremblantes.

« Certainement, merci, commandant, répondit Madeleine. À quelle heure le Neptune appareillera-t-il ?

— Aussitôt mon retour, » répliqua le commandant, auquel un timonier vint annoncer que sa baleinière était parée.

Alors M. de Résort emmena sa femme et son fils. Au bout de quelques minutes, appuyée sur son mari, Madeleine descendit bravement l’escalier. Après une dernière étreinte la mère et l’enfant sautèrent dans la baleinière. Le commandant prit la barre et on s’éloigna rapidement.

Les mains de Ferdinand dans les siennes, sans larmes, mais la