Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
PROPOS DE GUERRE ET D’HYMEN.

« Mais Toetlben fait preuve d’un véritable génie et la résistance reste aussi vive, aussi tenace et plus expérimentée qu’aux premiers jours… Nous ne pouvons risquer un assaut qu’avec la presque certitude du succès. Voilà mon opinion, messieurs.

— Et l’armée sarde ?

— On dit qu’elle renferme de bons soldats ; ces quinze mille hommes vont se joindre aux troupes anglo-françaises : ce sont les banquiers de Londres qui ont prêté l’argent nécessaire au gouvernement piémontais.

— Et à propos d’Omer-Pacha, amiral ?

— Une appréciation de Pélissier : « Omer-Pacha se croit trop grand pour faire de petites choses, et il est bien trop petit pour en accomplir de grandes. »

— Et nos batteries de marine ?

— Toujours admirablement servies. Celles 1 et 2 forment l’extrême gauche de la ligne et nous avons deux mille cinq cents matelots dans le tracé des tranchées ou dans ces deux batteries. Avec leurs officiers, leurs matelots et nos canons, Ribourt dans l’une aux attaques de droite, Amet à celles de gauche, ont plus que mérité les éloges répétés des généraux en chef et l’admiration de tous. Résort ici présent peut nous raconter les hauts faits de Penhoat à Stréletzka…, il y était, au mois d’octobre, ç’a été chaud. »

Rouge comme une pivoine, le jeune officier ne répondit pas d’abord, quoique tous le regardassent avec bienveillance.

Momentanément embarqué sur le Brandon en passant lieutenant de vaisseau, Ferdinand avait été pris ensuite comme officier d’ordonnance par l’amiral Bruat à cause d’une chaude recommandation du général Bosquet. Il plut vite à son nouveau chef parce qu’il sut être modeste, évitant aussi de raconter les batailles où il s’était trouvé. Mais, s’apercevant qu’on attendait sa réponse :

« Oui, amiral, dit-il, ç’a été fort chaud. Depuis lors, le commandant Penhoat continue à faire causer ses chers canons en s’exposant aussi lui-même. Avez-vous entendu parler de l’affaire après laquelle de Leusse et un matelot ont été décorés ?

— Oui, non, répondirent quelques voix.

— Eh bien, le 11 avril, une bombe russe tombe dans un magasin de la deuxième batterie de marine au milieu d’une quantité d’obus chargés. Le feu prend, on aperçoit déjà la fumée, tout va sauter, sauve qui peut ! mais un matelot appelé Cognet se précipite, s’affale sur ses mains, et l’un après l’autre il jette les obus au dehors. Découvrant alors le feu, il l’éteint, aidé par de Leusse, un aspirant de première classe, et trois ou quatre braves camarades. Et, continua