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UN DIMANCHE AU CHANTIER

Sur les cimes, des arbres morts soutiennent un dais vermillon. Deux pics rapprochés laissent suppurer, d’une fissure droite, du jus de raisin. L’heure coule. L’aube tombe dans un bain de moutarde et disparaît.

Voici l’aurore.

Une brume cramoisie monte du marais voisin et cache la lune basse, copeau de pin résineux. Le vent commence à brasser les couleurs. Le ciel se transforme en hémicycle parfait. Des gradins s’accentuent, montant de la terre. Le jais, l’écarlate, le rouge, le vert, le rose, le bleu, se superposent en couches tendues.

Enfin, le soleil ! Boulet de radium. Tout s’écroule, s’effrite en un blond lumineux, chaud, immense…

Le fils L’Épicier rejette la couverture de laine qui lui mord les épaules. Il s’étire. Un corps bombé de muscles moule les veines, soulevant la peau, la fendant presque, sur les bras et les jambes.

Plongeon dans le lac. La tangente de ce marbre parfait apeure les poissons qui fuient. Le nageur revient à la surface, les mains remplies d’algues, arrachées au fond vaseux. Ces filasses d’un bleu vert, jetées au loin, flottent comme de l’huile. Le jeune homme se roule