Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
LE CHARROYAGE

traîneau s’arrête au bord du gouffre. Le préposé au cabestan attache l’arrière-train avec les liens solides. Puis il retourne à ses leviers.

— Paré, Boischer ? Quins toé ben…

Chevaux et voitures disparaissent dans le vide. Je vois descendre le tout, sans heurt, lentement. Il me semble que les chevaux s’amusent à prendre une fameuse envolée. Les harnais sont amples, inutiles. La tuque de Boischer touche aux plus hautes branches, en bordure. Je l’entends fredonner. Il arrive sur la glace. Les chevaux s’éveillent.

Un coup de levier subit et la charge s’arrête net. Le choc est tellement vif que C… de C… va s’asseoir sur la croupe d’une de ses bêtes. Il se retourne, montre le poing au farceur qui rit avec moi et détache les câbles. Son voyage est maintenant à un niveau de 175 pieds plus bas que le point de départ.

Le cabestan exécute une ronde différente, en sens inverse. Le câble libéré remonte vite, en claquant sur les arbres, fouillant la neige, telle une énorme couleuvre d’argent, et se roule dans son repaire pour y attendre une nouvelle proie.

J’avoue n’avoir jamais osé tenter la fameuse plonge. D’ailleurs Boisvert est implacable. Lui seul et les conducteurs s’y hasardent, car, au