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VEILLÉE DE NOËL

— J’sus fier de vous donner du feu, le révérend prédicateur. Ça porte bonheur, à ce qu’on dit.

La conversation languit. Chacun regarde cette belle robe blanche, au scapulaire noir, énorme, beau. Une croix.

Laurence se tape le genou soudain.

— Cré gué ! vot’barre sus l’ventre, a m’rappelle ane histoire de ma grand’mére. Vous savez, vous autres, que les ânes ont ane croix sus l’dos. Ben, la tradition veut, d’mandez-le au prêtre, si c’est pas vrai. A veut donc la tradition, que, lors d’là fuite en Égypte, saint Joseph s’arrêta sous ane belle épinette. Y avait d’nos arbres par là, dans l’temps. Or donc, l’époux de la Viarge fait sauter Marie pour qu’a s’délasse les jambes. Et, pis, en bon charquier, le v’là qui part pour aller cri un sciau d’eau dans l’Nille. La mère d’not’Seigneur et Maître, toujours bonne, a pose son enfant à l’ombre, sous l’épinette, ben entendu, parmi d’là belle mousse dorée qui sentait bon. Ensuite, après avoir fait queques pas, a flatte l’âne, doucement, d’ane épaule à l’autre, comme nos mères quand y r’levaient nos ch’veux, dans l’ber. La bourrique a s’tourne la tête et les oreilles, pour embrasser la main d’Marie. Alors not’ sainte Mère a commence à passer ses doigts dans l’poil, sus l’dos