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À LA HACHE

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Trente-cinq degrés en dessous de zéro.

Mes pauvres chiens, dehors, sur leur mince couverte. Je saute dans mon pantalon et cours à la fenêtre. Il me faut souffler de toute mon haleine sur les vitres, afin de parvenir à voir. Partis ?… Cela est impossible. Ils sont d’une fidélité, mes chiens… Je saisis des jappements gais, rapides, là-bas, sous les bouleaux. Les gourmands, va, qui courent le lièvre…

La nuit est grandiose. Impossible à bien décrire. On voit que l’univers attend son Sauveur…

Cette lune ! Tellement ronde qu’elle flotte en ballon, dans un bleu de fourrure.

Les étoiles ! Clous d’or allongés. On distingue leurs marques dans l’azur. Un repli les entoure, comme de la chair sur une nuque de femme aimée.

Trois nuages sont énormes, clairs, flous. Trois océans de prunelles repues.

La voie lactée ! Fleuve roulant des cendres vives. L’horizon, gonflé de jade, se tend à briser. La ligne des monts est noire. Du jais, du velours, des tresses, se devinent partout. À leur base, la blancheur d’une poussée de peupliers mord ces teintes iodées de créoles. Roulant sa souplesse dorée, toute appesantie de rayons lu-