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à travers le grönland.

Dans la matinée du lundi nous arrivâmes à Klaksvig, le port le plus septentrional que le vapeur visite aux Ferö. Il est entouré par de hautes montagnes de basalte qui s’élèvent en terrasses, disposition topographique qu’on observe rarement sur ces îles.

Après une relâche de plusieurs heures, le paquebot continue sa route vers le nord ; après avoir admiré les pittoresques falaises de la côte septentrionale de l’archipel, nous faisons route vers la pleine mer.

Au delà des Ferö baisse le thermomètre. Enveloppés dans leurs päsk en fourrure, nos deux Lapons ne s’apercevaient pas de ce rafraîchissement de la température ; quelques-uns d’entre nous, au contraire, commençaient à trouver l’air un peu froid. Cela fit faire à Ravna de sérieuses réflexions, qu’il s’empressa de confier à son ami Balto, et l’autre à son tour n’eut rien de plus pressé que de nous faire part de ces confidences. « Ravna, nous raconta-t-il, vient de me dire : « Pourquoi diable sommes-nous partis avec ces gens-là, qui sont si peu vêtus ? Je le vois bien, ils grelottent maintenant et certainement ils trouveront tous la mort au Grönland, où il fait si froid. Mais alors, nous aussi, nous mourrons, dans l’impossibilité où nous serons de trouver notre chemin vers les lieux habités. » Ajoutons que la vie maritime ne convenait pas très bien à Ravna. Au début il avait été malade, et, d’autre part, il ne pouvait reposer dans l’entrepont, où il faisait trop chaud pour lui. Il alla alors s’installer dans un coin sur le pont ; après avoir tiré son päsk par-dessus la tête, il y dormit aussi bien que nous dans les cabines.

Pendant la traversée d’Écosse en Islande et durant le voyage d’Islande au Grönland je pris tous les jours des échantillons d’air pour pouvoir déterminer la quantité d’acide carbonique qu’il contient. Ces échantillons furent pris dans des tubes spéciaux, dont j’ai donné la description dans le chapitre ii.

Aux Ferö nous avions appris l’état défavorable des glaces autour de l’Islande. De mémoire d’homme, la banquise, disait-on, n’était jamais descendue aussi loin vers le sud que celle année, et l’accès de la côte orientale de l’île était barré par les glaces. Ces prédictions étaient vraies ; après vingt-quatre heures de route nous rencontrâmes la glace à 120 milles au large de la côte est. Pensant trouver