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a travers le grönland.

de traverser l’inlandsis. — Ah, je l’ignorais, fait le bonhomme ; permettez-moi de vous féliciter de votre nomination au grade de docteur. »

Immédiatement je demandai des renseignements sur les bateaux. Le dernier était parti depuis longtemps de Godthaab, mais, dans le courant d’octobre, le vapeur Fox devait quitter Ivigtut, situé à 280 milles dans le sud. Pour nous qui avions constamment espéré pouvoir regagner la Norvège après la traversée de l’inlandsis, la nouvelle n’était pas précisément agréable. La pensée de revoir notre pays après cette vie de souffrances nous avait toujours soutenus et maintenant cet espoir s’en allait.

Pendant cette conversation survient le missionnaire allemand M. Voged. Il nous souhaite la bienvenue et nous invite à entrer chez lui. Cela nous cause une certaine surprise de nous trouver dans une maison, après trois mois de vie en plein air ; de nous asseoir sur une chaise à une table recouverte d’une nappe, de manger avec des fourchettes dans des assiettes, cela nous parait un luxe de nabab. Les mets qu’on nous présente nous semblent excellents, mais les mouettes que nous dépecions avec nos doigts autour d’un bon feu de bivouac nous paraissaient également bonnes.

Pendant que nous étions à table, arrivèrent le pasteur de Godthaab, M. Balle, et bientôt après le docteur Binzer. La nouvelle de notre arrivée aussitôt parvenue à la colonie, ils étaient partis pour nous souhaiter la bienvenue.

Nous racontons les principaux événements de notre voyage, puis prenons congé de notre aimable hôte.

Maintenant il pleut : nous étions donc arrivés à temps, car dans notre bachot le mauvais temps aurait été plus que désagréable. Après avoir assuré le transport de notre équipement à Godthaab, nous partons par terre pour la colonie.

Au delà d’un monticule apparaît sur le bord d’une baie la métropole du Grönland méridional, composée d’une église, de quatre ou cinq maisonnettes et de huttes grönlandaises. Au sommet d’un mât de pavillon flotte le drapeau danois, et la « ville » grouille d’une foule désireuse de voir les hardis explorateurs.