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a travers le grönland.

Dans ces conditions il est préférable de reprendre les ski : la longueur de ces patins diminue les risques de glisser dans quelque méchant trou. Tout à coup, en longeant une crevasse, la corniche sur laquelle avance notre traîneau s’éboule, nous n’avons que le temps de sauter en arrière pour ne pas rouler dans le précipice. Une autre fois, pareil accident faillit arriver à Balto et à Ravna. En cherchant un chemin plus court que celui suivi par nous, les deux Lapons arrivent sur une très large crevasse couverte : la couche de neige cède, le traîneau culbute, et ce n’est qu’au prix des plus grands efforts qu’ils parviennent à se tirer d’embarras. Naturellement j’étais furieux contre eux : pourquoi ne suivaient-ils pas notre piste ? n’était-ce pas assez que ceux qui marchaient en tête fussent exposés ? Kristiansen manqua également de perdre son traîneau dans de pareilles circonstances.

Dans l’après-midi, grêle et tempête du sud-sud-est. Les grêlons nous fouettent la figure ; en même temps, les traîneaux, pris de flanc par le vent, dérivent sous la poussée de la brise. Le halage devient très pénible. Sverdrup et moi éprouvons surtout de grosses difficultés à faire avancer notre traîneau, qui offre une large prise au vent.

Dans la soirée, nous campons sur une petite plaque de neige fraîche.

En partant le matin, nous pensions arriver dans la soirée très près de la terre ferme, peut-être même l’atteindre. Notre espoir est déçu, il semble que nous en soyons toujours aussi éloignés.

Le lendemain, neige toute la journée. Impossible de voir la terre et même de reconnaître la bonne direction. Nous marchons à l’aveugle sur la glace.

Vers midi, halle pour déterminer la latitude. Le soleil luit de temps en temps à travers les flocons, il faut profiter de l’occasion pour savoir où nous sommes. La veille nous n’avons pu prendre aucune observation : le soleil était déjà passé au méridien lorsque nous nous étions mis au travail. Aujourd’hui nous nous trouvons par 64° 14’ de latitude nord. Nous sommes un peu plus nord que je ne l’aurais désiré. A partir du moment où la terre a été vue, nous avons trop incliné dans cette direction ; maintenant faudra-t-il