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notre vie sur l’inlandsis.

avions une double ration, je vous demandai après le repas si vous n’aviez plus faim. « Non, m’avez-vous répondu, je suis encore affamé comme un loup. »

Voici nos menus pour chaque repas :

Déjeuner. Chocolat cuit à l’eau (lorsque le chocolat fut épuisé, je servis du thé avec du sucre), biscuit à la viande, knækkebrod[1], pâté de foie et pemmican.

Dîner. Knækkebrod, pâté de foie et pemmican.

Dessert : deux biscuits de mer et un peu de jus de citron avec du sucre.

Collation. Knækkebrod ou biscuits de viande, pâté de foie et pemmican.

Souper. Soupe de légumes, biscuits de viande et pemmican. En guise de soupe je préparai souvent un ragoût de viande et de biscuit, plat excellent, je vous assure. Quelquefois nous bûmes du thé au lieu de soupe.

Naturellement chacun était libre de manger son beurre quand bon lui semblait. La majorité le mangeait l’après-midi, cet aliment apaisant la soif.

La manière dont nous cuisinions n’eût guère satisfait les délicats. Sur le glacier, l’eau étant rare, nous ne pouvions laver le bidon servant de casserole : cette opération aurait du reste été pénible par le froid auquel nous étions exposés. Le soir, après avoir fait cuire soit la soupe, soit le ragoût, on accordait comme une faveur, à un des aides cuisiniers, le droit de recueillir la sauce encore adhérente aux parois du vase. Généralement Balto jouissait de ce privilège et il s’acquittait de la besogne en conscience. Avec la langue et les doigts, il rendait le bidon absolument luisant, mais il ne pouvait jamais en atteindre le fond, et dans cette partie restaient toujours quelques menus morceaux de viande ou de légumes.

Le même bidon servait ensuite à la préparation du thé et du chocolat. On y trouvait par conséquent une macédoine composée de feuilles de thé, de morceaux de chocolat et de graisse, dont nous nous régalions.

  1. Galette suédoise. (Note du trad.)