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a travers le grönland.

soir. Au début le vent souffle du nord (Balto commet ici une erreur, la tempête venait alors du sud), bientôt il saute à l’est. Le lendemain matin, après avoir bu le café, un homme veut sortir ; à peine a-t-il ouvert la porte de la tente, qu’il rentre bien vite. Un vent terrible empêche pour ainsi dire de marcher.

« Je prends alors un vêtement, m’en enveloppe la tête en ne laissant qu’un petit jour pour les yeux, et me hasarde dehors. Je cherche en vain les traîneaux, ils sont tout enfouis sous la neige. Lorsque je veux retourner dans la tente, impossible de retrouver mon chemin ; je ne vois rien à quelques pas devant moi et dois me guider sur les cris de mes compagnons. La tente est à moitié enterrée sous d’épais monceaux de neige. Le lendemain le temps était beau. Avant de nous mettre en marche il fallut travailler longtemps pour arriver à dégager nos bagages. »

Durant cette partie du voyage notre vie est très monotone ; aucun incident particulier à signaler.

Très peu agréable est la fonction de cuisinier : celui qui a cette charge doit se lever une heure avant les autres. Nous nous réveillons la tête couverte de glace et de givre, produit de la congélation de la vapeur d’eau contenue dans l’haleine. Une fois hors du « lit », on se trouve dans une pièce où la température est d’environ 40 degrés au-dessous de zéro, et où tous les murs, excepté celui exposé au vent, sont couverts de givre. Maintenant il s’agit d’allumer le réchaud. La manipulation d’un objet en métal par une pareille température n’est ni agréable ni aisée ; il est non moins difficile de remplir la lampe et d’arranger les mèches. Pour qu’elles brûlent, il est nécessaire qu’elles soient convenablement imbibées d’alcool, et dans ces préparatifs il vous coule de l’esprit-de-vin sur les doigts : par un pareil froid, vous risquez ainsi de vous faire de graves brûlures. Afin que les mèches fussent toujours sèches, j’avais l’habitude de les porter dans la poche de mon pantalon.

Lorsque la lampe est allumée, il faut surveiller la flamme et l’empêcher de monter trop haut. Sans cette précaution, le réservoir s’échaufferait rapidement et pourrait faire explosion. Nous évitons un tel accident en jetant de la neige sur la lampe. D’autre part, la flamme doit cependant être assez ardente, afin que la cuisson ne soit