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historique des expéditions.

purent approcher à petite distance de la côte, au commencement de juillet, sous le 67e degré de latitude nord. L’un d’eux, le capitaine A. Krefting, captura des phoques à capuchon tout près de terre, et aurait pu atterrir si cela avait été utile.

La côte orientale du Grönland a été le théâtre de luttes désespérées contre les éléments, dont je dois rapporter ici les principaux incidents.

L’année 1777 est une année de deuil dans les annales des expéditions arctiques ; elle a été marquée par une des plus terribles catastrophes survenues dans les régions polaires. Cette année-là, les glaces étaient particulièrement compactes le long de la côte orientale du Grönland. Du 24 au 28 juillet, vingt-sept ou vingt-huit baleiniers appartenant à diverses nationalités[1] furent bloqués dans la banquise entre le 74eet le 75e degré[2]. En août, une partie de ces navires parvinrent à se dégager, mais douze[3] restèrent emprisonnés. Dérivant avec la banquise vers le sud, ils furent les uns après les autres broyés par les glaces. Le 19 et le 20 août, six bâtiments furent brisés à peu près au même endroit entre le 67° 30’ et le 68e, à une distance de 12 à 14 milles de terre. A la fin de septembre, les navires encore intacts se trouvaient entre le 65e et le 64e degré. Le 11 octobre, à 5 ou 6 milles de terre, par 61° 30’ environ, c’est-à-dire près d’Anoritok, où nous-mêmes avons débarqué, le dernier navire fut coulé. Depuis le commencement de juin, les naufragés avaient dérivé pendant cent sept jours, sur une distance d’environ 1080 milles marins. La vitesse de la dérive avait été, en moyenne, d’environ 10 milles par jour, et pendant les dernières semaines beaucoup plus rapide qu’au début du blocus. Durant cette période elle avait atteint 18 milles.

Des naufragés, les uns se réfugièrent sur ceux des navires qui

  1. Cette flottille comprenait, croit-on, 9 hambourgeois, 8 anglais, 7 hollandais, 2 suédois, 1 danois et 1 brémois.
  2. Souvent, dans ces parages, des navires ont été bloqués par des glaces, mais jamais il n’est arrivé une aussi terrible catastrophe que celle de 1777. Ainsi, en 1769, au commencement de juillet, quatre bâtiments furent pris dans la banquise par le 76e degré de latitude nord et dérivèrent jusqu’au milieu de novembre. À cette époque ils se trouvaient par 69° de latitude. Deux réussirent à se dégager ; sur le sort des deux autres, on ne sait rien.
  3. Six hollandais et six hambourgeois, croit-on. Les équipages étaient composés en majorité de Danois de la cote du Jutland, du Slesvig et du Holstein.