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à travers le grönland.

9 juin, Danell voulut chercher un mouillage, vraisemblablement au sud du cap Dan ; là également la banquise, large de 2 milles, l’empêcha d’approcher de terre. Un canot fut alors mis à l’eau et quelques matelots essayèrent de le traîner sur la glace jusqu’au rivage, mais cette tentative ne réussit pas. L’expédition se dirigea alors vers le sud ; trouvant partout la côte barrée par la glace, elle doubla le cap Farvel et atteignit le littoral occidental.

Pendant le voyage de retour ; à la fin de juillet, Danell fit une nouvelle tentative pour atteindre la côte orientale ; cette fois, semblet-il, il faillit réussir. Le 23 juillet, il se serait trouvé à l’entrée d’un fjord complètement libre, et si la nuit n’était pas arrivée, il y aurait pénétré à toutes voiles. Plus au nord, vers le 63e degré de latitude, il aurait approché à 1 mille de terre.

Au xviie siècle, l’état des glaces était donc le même en juin et juillet qu’à l’époque actuelle.

L’année suivante (1653) en juin, Danell longea la côte orientale du Grönland jusqu’au cap Farvel ; partout la glace l’empêcha d’atterrir. Le 19 juin, par 64° de latitude nord, il avait cru reconnaître dans un cap le Herjolfsnæs des anciens Scandinaves ; à 5 ou 6 milles de ce point il fut arrêté par les glaces. Après cette navigation sans résultat, l’expédition se dirigea vers la côte occidentale.

Plus tard, au mois d’août, en revenant en Danemark, Danell fit, croit-on, une nouvelle tentative pour atteindre le littoral est. Sa

    gros isbergs, très abondants dans ces parages. Il arrive du reste à de plus expérimentés de commettre de pareilles erreurs. Des cinq îles aperçues par Danell le 6 juin, « cinq étaient entièrement couvertes de glace ; une seule, très haute, ayant 1 mille ( ?) de tour, avait un aspect noirâtre ». Cette description s’applique très exactement à des isbergs. Le dernier était vraisemblablement couvert de débris morainiques, ce qui est assez fréquent dans ces parages. En 1882, je vis précisément sur la côte orientale une de ces montagnes de glace toute noire de pierres, et que fout d’abord je pensai être une île. (Voir le travail que j’ai publié sur ce sujet dans le Nyt Magazin for Naturvidenskab. Krisliania, 1836.) En 1829, Graah prit probablement les sommets du cap Dan pour les îles de Danell qu’il crut avoir retrouvées. Il est en effet peu plausible qu’un explorateur aussi expérimenté ait confondu des isbergs avec des terres. Le commandant Holm croit que l’île appelée par Danell Hvidsadle est un nunatak de l’inlandsis (piton rocheux isolé au milieu du glacier). (Meddelelser om Grönland, vol. IX, p. 201.) Après avoir aperçu ce rocher pendant notre dérive sur la banquise le long de la côte, je ne crois pas pouvoir partager l’opinion de mon collègue danois. Cela me paraît d’autant plus impossible que Danell affirme s’être approché à 3 milles de son île. Le pic en question ayant l’aspect d’une selle blanche, on peut lui conserver le nom donné par le commandant Holm.