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a bord du jason.

Inersen du Staerkodder, qui s’était engagé à une grande distance au milieu des glaces, au nord de nous. Il avait aperçu également la côte ; d’après sa description, elle est très montagneuse, et ne ressemble pas au littoral situé plus au sud, vers le 67° de latitude nord, dont il s’était approché en 1884. Ce renseignement concorde avec ceux recueillis par le commandant Holm de la bouche des Eskimos d’Angmagsalik, à l’aide desquels il a dressé son esquisse de la côte orientale au nord de ce dernier point. Cette région est une des parties les moins connues de notre globe.

Dans la soirée du 28 juin, des phoques sont en vue. Chaque jour nous en apercevons sans pouvoir en approcher. Le 3 juillet, nous avançons au milieu de la banquise vers une nombreuse troupe de stemmatopes, mais la glace est si compacte qu’il est impossible de leur donner la chasse. Dans la nuit, lorsque le soleil apparaît au-dessus de l’horizon, la vue s’étend au loin sur la banquise. Partout on voit des troupes considérables de phoques ; jamais auparavant je n’en avais vu autant. Du nord-ouest au nord-est, partout jusqu’à l’extrême horizon, la banquise est couverte de leurs masses noires ; vraisemblablement, au delà de notre champ de vision il doit s’en trouver autant.

Le lendemain, brouillard épais. La glace est toujours compacte, la houle se lève sur ces entrefaites et nous oblige à sortir de la banquise.

Le 11 juillet, la banquise éprouva un mouvement violent produit par les courants. Pendant que nous étions tranquillement assis dans la cabine, un grand glaçon vint frapper si violemment l’étrave du Jason que le bâtiment recula. Nous sautons de suite sur le pont. Un autre gros glaçon arrive droit sur l’arrière à grande vitesse, il frappe le navire avec un craquement sinistre et enlève le gouvernail ; le Jason n’éprouva heureusement aucune autre avarie. Eut-il reçu le choc sur le côté, nous ne savons trop ce qui serait arrivé, les flancs étant la partie faible des baleiniers.

La journée du lendemain fut employée à installer le gouvernail de rechange dont sont toujours munis les baleiniers.

L’été était maintenant avancé, et il n’y avait plus guère espoir de chasse fructueuse. À la satisfaction de tous, le capitaine décida, le