Valentine reprit le chemin de sa demeure, essayant de mettre un peu d’ordre dans ses pensées et sur son visage. En entrant dans la salle, elle eut un soulagement à voir que les lampes n’étaient pas encore allumées.
— Comme tu t’es attardée, lui dit sa mère ; j’allais envoyer Nanniche à ta rencontre.
— C’est vrai, répondit-elle ; je me suis oubliée.
Sa voix avait un frémissement inaccoutumé.
Grand-père Frantz le perçut.
— Qu’as-tu donc, Valentine ?
— La migraine, grand-père.
— Tu l’as bien souvent, ma pauvre enfant, fit-il, plus grondeur que compatissant.
— Maman, puis-je monter ? demanda la jeune fille qui se sentait incapable de feindre plus longtemps.
— Certainement, ma chérie, on te portera du tilleul.
Elle balbutia un merci et embrassa sa mère plus tendrement que de coutume.
En refermant sur elle, la porte de sa chambre, Valentine eut un soupir d’allègement ; mais cela ne dura guère. À peine s’était-elle assise, dans l’ombre, sur sa chaise basse, que l’escalier cria sous un pas bien connu et Nanniche entra, une lampe à la main.
— J’ai pensé que vous étiez dans le noir, dit-elle gracieusement, et je vous apporte de la lumière.
— C’était bien inutile, Nanniche ; j’ai la migraine.
— La migraine… ça vous a donc prise comme on reçoit un coup de bâton ?
— Non, je m’en ressentais un peu, avant de sortir.
Brusquement, la servante approcha sa lampe du visage tuméfié de sa jeune maîtresse.
— On dirait bien, plutôt, demoiselle, que vous avez versé toutes les larmes de votre cœur.
— Mais, non, Nanniche, dit Valentine, impatientée, tu sais bien que la migraine me produit toujours cet effet-là.