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les conquêtes du commandant belormeau

Il y avait, dans sa vie, une page triste, sur laquelle elle semblait avoir refermé le livre, sans vouloir jamais le rouvrir.

Voici ce que contaient les vieilles gens de Wattignies : M.  le comte Armand de Batanville, demeuré veuf d’assez bonne heure, avait alors deux filles, qu’il dut retirer de pension, à regret, quand l’aînée eut pris ses vingt ans. L’une, Herminie, pâle et douce ; un peu terne et effacée, au moral comme au physique ; l’autre, au contraire, Élisabeth, la créature la plus vivante et la plus séduisante qu’on pût imaginer.

M.  de Batanville, assez peu enthousiaste des devoirs paternels qui lui incombaient, fut, tout le premier, conquis par la grâce de sa charmante fille : pour lui complaire, il rouvrit, ses salons et il ne fut bientôt plus question que de la générosité de son hospitalité et de l’attrait de ses réceptions.

À vrai dire, le comte Armand, qui avait beaucoup voyagé et peu vécu de la vie de famille, était un assez piètre mentor pour ses filles.

L’aînée n’en avait guère besoin. Effrayée par le tumulte mondain dont aimait à s’entourer sa cadette, elle traversait les fêtes dont celle-ci était l’héroïne, les yeux baissés, les oreilles closes, soupirant de regret pour le tranquille couvent qui avait abrité sa jeunesse.

Entre ce père inattentif et cette sœur passive, la beauté et la gaîté étincelantes d’Élisabeth étaient une proie enviable et facile.

M.  de Batanville, à cette époque, avait reçu chez lui, avec son amabilité coutumière, le fils d’un vieil ami, jeune peintre de talent, venu en Flandre pour y étudier les vieux maîtres. Il prenait, il est vrai, le chemin des écoliers et la halte qu’il fit à l’hôtel de Batanville eut paru longue à tout autre qu’à l’hôte accueillant qu’était le comte Armand.

Ce peintre le paya de la plus noire ingratitude. Il