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les conquêtes du commandant belormeau

lui avait tant recommandé la réserve, si elle apprenait qu’elle en était déjà là ?…

Pourtant c’est dur de garder sa faim, quand on est jeune… Mademoiselle avait bon cœur, elle n’aimerait pas à laisser pâtir personne ; elle ne blâmerait pas Benoîte, pour si peu… Et puis, enfin, elle lui conterait cela, plus tard, quand elle aurait mieux le temps.

— Mon garçon, dit-elle, j’ai bien une tranche de veau rôti…

— Oh ! mademoiselle, fit Joseph, en rougissant jusqu’aux oreilles, ce n’est pas pour cela que je vous ai dit…

— Laissez donc ; d’abord ce rôti, je n’en sais pas que faire ; puis mes poules ont pondu.

— Mademoiselle, la viande, ça suffit.

— Asseyez-vous là, devant cette petite table.

— Je ne veux pas vous causer tant de dérangement ; j’irai bien à la cuisine.

— Non, fit vivement Benoîte ; ça ne plairait peut-être pas à mademoiselle ?… vous comprenez, des femmes seules ?…

Franchement, non, Joseph Quellec ne comprenait pas les scrupules de la servante, mais il la trouvait, en cet instant, infiniment séduisante ; pas à la façon de sa promise, bien entendu.

En un tour de main, Benoîte eut disposé ses victuailles sur la table, entre une miche tendre et une bouteille de vin.

Le pauvre Quellec qui avait passé la nuit sur la route et qui trimait depuis l’aurore, souriait à ces préparatifs.

— Oh ! mademoiselle, répétait-il, confus, vous êtes trop bonne ; mais, vrai, j’ai grand’faim.

— Mangez donc, mon cher enfant, fit Benoîte. Elle se mordit la langue… elle avait dit : mon cher enfant… Mademoiselle trouverait cette appellation trop amicale ; elle dirait qu’elle sortait de la