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les conquêtes du commandant belormeau

son père, emporté par la tempête avec sa barque. La Marie-Jeanne, sur les récifs où ils s’étaient brisés ; de sa vieille mère qui gagnait son pain à raccommoder des filets en fumant sa pipe de terre brune ; enfin de sa promise, Marianick, la douce fille qui avait des cheveux d’or pâle, des yeux, couleur de la vague et qui portait, le dimanche, un tablier de soie et une croix d’argent à son cou. C’était un soir de pardon devant la bonne dame d’Auray, qu’ils avaient échangé leurs promesses.

Tout en parlant, Joseph ne s’arrêtait point de travailler et Benoîte l’écoutait, toute émue par sa simple histoire. Soudain, l’ordonnance jeta un coup d’œil à la pendule d’albâtre que la servante venait de rendre à la vie et poussa une exclamation de détresse.

— Qu’est-ce qu’il y a, fit Benoîte ; je parie que vous vous êtes pincé le doigt ?

— C’est bien pis, mademoiselle ; j’ai laissé passer l’heure de la soupe.

— Pour une fois, vos camarades vous la garderont bien ?

— Oh ! mais non, mademoiselle ; chacun pour soi, dans le métier militaire ; si vous n’êtes pas là, tant pis pour vous.

— Vous irez à l’auberge.

Il frappa, d’un geste éloquent, sur la poche de sa veste.

— Je n’en ai pas les moyens.

— Il faut le dire à votre commandant.

— Oh ! mademoiselle, je ne voudrais pas l’ennuyer de ça. J’ai oublié, j’en porterai la peine, ajouta-t-il avec un gros soupir ; seulement, d’ici la soupe de ce soir ; c’est long !…

Benoîte se gratta l’oreille…

Voilà-t-il pas qu’il lui prenait envie de faire déjeuner ce petit soldat… Mais que dirait mademoiselle, qui