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les conquêtes du commandant belormeau

— Benoîte, dit-elle, un peu déridée.

— Donc, mademoiselle Benoîte, je vous laisse mon ordonnance ; c’est un garçon de tout repos ; il a laissé sa promise au pays et ne lui fait jamais d’infidélité, vous pourrez épousseter en sa compagnie, tant qu’il vous plaira et sans le moindre danger…

La servante haussa les épaules.

— Ne vous tourmentez pas de ça, monsieur le commandant. S’il ne marchait pas droit, allez, je ne serais pas embarrassée pour le remettre dans son chemin. Je ne suis pas si apeurée que mademoiselle.

Le commandant se mit à rire.

— C’est bon, dit-il, je vous laisse. Présentez mes hommages à votre maîtresse et faites en sorte que ma chambre soit prête ce soir. J’ai hâte de m’étendre dans un bon lit.

Le commandant sortit, faisant sonner ses éperons sur les dalles du vestibule.

Déjà, Joseph, un garçon court, au front carré et aux yeux doux, enlevait sa veste pour se mettre à la besogne.

Benoîte l’emmena dans le pavillon qu’ils commencèrent à nettoyer et pendant la première demi-heure de travail, étouffés par la poussière, ils ne soufflèrent mot. Mais quand ils y virent clair, Benoîte se décida à demander au garçon ; qui avait vraiment l’air d’un bien bon jeune homme, de quel pays il était.

Ce fut comme si elle ouvrait le conduit d’une source ; une lueur de joie brilla dans les yeux nostalgiques de Joseph Quellec et d’une voix douce, un peu basse, il se mit à décrire sa terre de granit au ciel gris perle.

Il évoqua, pour Benoîte, les chênes tordus par le vent du large ; les landes que les ajoncs fleurissent d’or, même au cœur de l’hiver et la mer, la mer sévère et belle, étalant ses vagues vertes ou bleues, crêtées d’écume, sur le sable fin de la grève ; puis il parla de