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les conquêtes du commandant belormeau

— Non, monsieur Artevelle.

— Où est-elle ?

Gertrude tira son mouchoir à carreaux et le porta lentement à son nez.

— Où est Minna ? répéta Pierre, impérieusement.

— Elle est dans le parloir ; mais, monsieur Artevelle, je ne sais pas si je dois…

Pierre lui évita l’embarras de résoudre la question ; il passa comme une trombe et la porte du parloir s’était refermée sur lui, avant que l’honnête servante ait achevé sa phrase.

Minna était assise à sa place accoutumée, près de la fenêtre ; Pierre, d’un coup d’œil, vit qu’elle était pâlie, qu’elle avait les yeux cernés et il eut envie de se battre ! Mais Minna avait aussi un air triste et sévère qu’il ne lui connaissait point et elle ne fit, vers lui, aucun geste de bienvenue.

Pierre soupira convulsivement ; jeta, à l’autre bout de la pièce, sa cravache et son feutre ; puis, attirant rageusement un tabouret, il s’assit aux pieds de la jeune fille, prit ses deux mains, s’en voila la face et se mit à pleurer.

Il pleurait comme un enfant, à gros sanglots qui secouaient ses robustes épaules et avec une telle abondance de larmes qu’elles ruisselaient entre les doigts de Minna. Celle-ci, bien des fois, avait évoqué ce jour du retour ; elle avait imaginé ce que Pierre dirait ; ce qu’elle lui répondrait et elle s’était promis d’être ferme, en cette occasion ; mais elle n’avait pas prévu ce genre de discours. Son tendre cœur, fait pour l’indulgence et le pardon, s’émut à la vue de ce chagrin véhément ; et sincère.

À grand’peine, elle dégagea une de ses mains et forçant le jeune homme à relever la tête, elle murmura :

— Pierre, ne pleurez plus ; je ne veux pas que vous pleuriez ainsi.