Page:NRF 8.djvu/907

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA LITTÉRATURE 899

trand prétendait écrire le roman de l'Algérie moderne, et qui s'appelle La Cina. Dans la Cina, une robuste et véhémente Italienne, l'auteur avait voulu évidemment symboliser l'Algérie future, la nouvelle race, la nouvelle nation, faite de sang latin. L'homme dont elle est la maîtresse représentait la conscience algérienne, incertaine encore, d'aujourd'hui. Et la scène à faire, la scène toute faite du roman, c'était le conflit entre la Cina et la mère du jeune homme, et celui-ci finissait par renoncer à sa mère, et il était visible que l'aventure sentimentale ne venait qu'enluminer un dessin social. Ce symbole distinct, plaqué et cru, paraît d'un art assez rudimentaire. Je dois d'ailleurs rappeler que M. Bertrand a ici même, dans une lettre intéressante à M.Jacques Copeau, défendu les formes de roman qu'il cultive. Et c'est à cette occasion que j'ajouterai deux remarques qui complètent et confirment mon point de vue. D'abord, autant le gros roman symbolique de M. Bertrand tombait à plat, autant son roman tout anecdotique sur Alger, Pepete k Bien Aiméy paraissait savoureux et séduisant : le poncif étant communément l'écueil des grands genres, et la recherche du symbole s'y heurtant inévitablement. Puis, l'exemple de Salammbô que, dans cet article, M. Bertrand annexait si complaisamment à sa formule, permet une comparaison instructive avec le gaufrier de sa Cina. A Salammbô s'incorpore aussi une existence symbolique, celle de la nature féminine orientale, le sexe passif sous les influences lunaires, le mysticime diffus qui monte des g)-nécées, la religion sensuelle d'une cité phénicienne, d'autres choses encore, — de sorte que la fille d'Hamilcar est traitée en sym- bole de l'Orient comme la Cina de M. Bertrand en symbole de l'Algérie. Et la différence, toujours, reste la même entre l'œuvre vivante, qui résonne indéfiniment, et l'œuvre artificielle, mate, qui s'arrête à un contour, — entre le symbole qui se développe, s'élargit, fleurit, et le symbole préconçu, fixé, vissé.

II. — Des étiquettes comme le Romantisme des Classiques paraissent aujourd'hui fort puériles, et l'accueil très froid fait à

�� �