Page:NRF 8.djvu/863

Cette page n’a pas encore été corrigée

SEPT HOMMES ^S5

mariage d'argent, cet ingénieur, soit. Mais quand je le vois sourire à la vieille dame, quand je discerne ses préve- nances, quand je devine cette tendresse que l'habitude accumula dans leurs cœurs, comme en d'autres elle effrite les plus vives passions, je crois chanceler au bord d'un abîme. O, je voudrais baiser les paupières de cette femme laide et tomber à ses pieds, et sentir à mes côtés la pré- sence de son corps informe et béni !

... La bonne allume le gaz dans la salle à manger. C'est sur les fenêtres de leur salle à manger et de leur cuisine, que donne ma lucarne. Ils vont rentrer. Ils ont dû sortir tous ensemble, comme ils font souvent aux premiers beaux jours...

J'ai quarante cinq ans, j'en parais beaucoup plus. Je suis chauve, petit et ridé. Je gagne de quoi manger, dans une banque. Il me reste, de ma famille, des cousins qui me dégoûtent et avec lesquels j'ai rompu depuis long- temps. Je n'ai plus d'amis.

...La bonne met le couvert...

Ce que je vois de leur mobilier est en vieux chêne. Je n'en sais pas le style, je ne sais même pas si ce meuble relève d'un style quelconque, mais des fleurs, des plantes vertes garnissent la salle à manger. Dans un coin, se trouve une table mâchurée de taches d'encre, où la petite fait ses devoirs avant le dîner. L'hiver, on allume de bonne heure ; l'été, la fenêtre reste toujours ouverte, et moi, bien caché derrière mes carreaux, je puis, tout au long de la soirée, vivre avec eux.

Où irais-je, que ferais-je ? Ah, nous passions cependant pour de sacrés diables, en notre jeunesse ! Ligués dans une égale haine du bourgeois, des jeunes filles, du mariage, de

�� �