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SEPT HOMMES 84I

corps, plus que la canicule n'exige. Mes voisins s'offrent, les passants se livrent. Et je les observe ! Je les note sur la feuille blanche ; j'enregistre leurs figures, leurs us. Je les connais, ils m'amusent, — et certains me connaissent, aussi.

Les mâles me jettent de mauvais regards. Les jolies filles me troublent un peu. Mais les autres, les laides et les insignifiantes, je les étudie sans passion : je pourrais vous dire la coupe de leur jaquette, la qualité de leurs bottines, leur âge, les fleurs qu'elles préfèrent, et si elles sont honnêtes, et si elles le resteront longtemps encore. Quelquefois, je leur donne un nom et leur assigne un métier : ainsi cette fleuriste que j'appelle Andrée, et Margot, la nabote, que je tiens capable de vilaines choses pour fort peu d'argent.

Et puis, mes yeux se posent sur de braves êtres, sans sexe, sans personnalité, des êtres végétatifs, presque des choses. Ils tiennent à la route, ils en sont les bornes, les calvaires et les mont-joie. Et ma rue ne serait plus ma rue si Ton en retirait l'agent de faction, la marchande de tabac que je vois, derrière ses vitres, distribuer des tim- bres et peser son mauvais petun, et le chien du tonnelier qui dort tout le jour devant la boutique.

Qui peut savoir si, avec le temps, mes bonshommes bien catalogués, je n'irai pas me mêler, moi aussi, au cortège des promeneurs d'été, bavard, souriant, abandonné...

Mais non. Voici l'hiver et les courtes journées. Voici le froid, la défiance et la hâte des voisins. Voici qu'auprès du poêle où le feu ressuscite, je dresse le bureau où gisent mes pantins réduits en pattes de mouche... Et c'est la sereine étude du botaniste dans son herbier...

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