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SEPT HOMMES 833

Morale naissaient de ma Toute Puissance. Et j'y vivais intensément, sous tous les aspects qu'il me convenait de prendre ; il ne m'arrivait rien, bonheurs ou revers, joies de la pensée ou fureurs de l'amour, que ma Volonté n'en eût décidé. Aucun frein, aucune barrière. Ma volonté éclairait les chemins magnifiques où se déroulaient les cortèges de ma fantaisie.

Il faudrait vivre ces moments extraordinaires pour saisir une chose pourtant aussi simple : un rêve qu'on fait à sa guise, sur le propos qui vous chaut, et où l'on agit libre- ment, sans pour cela qu'il perde rien de son caractère de rêve, de l'essentiel caractère du rêve : je veux dire la croyance à la réalité de ce qu'on imagine.

Te cessai d'écrire : ces rêves sortaient de mon plan primitif, puisque ma volonté s'y substituait à l'arrangement imprévu des faits qui, seul, avait tenté mes recherches. Aurais-je pu, en vérité, poursuivre mes rédactions ? Non. Une transformation capitale se produisait dans mon état physique. Je rêvais constamment, je ne m'éveillais que pour tomber dans d'autres songes, de plus en plus extra- ordinaires. Tout le l'our, je restais hébété, incapable d'agir, appelant la nuit de ce qui me restait de forces. Je ne sortais plus. Le moindre geste me coûtait de douloureuses fatigues. Je refusais de voir les gens qui me venaient visiter et j'avais défendu à mon domestique de m'adresser la parole.

Certain jour, un mot que je l'entendis prononcer dans l'antichambre, à quelqu'un qui sonnait à ma porte, m'ou- vrit un horizon infini. Certes, j'allais devenir Fou ! Mes veilles s'aboliraient et je vivrais dans un sommeil perpétuel, dans une longue suite de songes. Séparée de la vie animale, ma volonté ne guiderait plus que des rêves divins !

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