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832 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

quelques minutes. De cette période datent mes rêves les plus attachants, les plus substantiels. J'y sentais, j'y devinais l'autorité d'une logique supérieure, étrangère à la raison de l'homme éveillé et j'exultais de recueillir d'aussi précieux documents, au prix même de ma santé, — car la fatigue allait s'accentuant : je passais mes nuits à rêver et à écrire.

O, les éblouissantes inventions ! Il n'était de domaine où mon esprit ne se promenât, la nuit venue, dans une liberté, dans une fantaisie délicieuses où l'horrible même, — car il ne faisait pas défaut, — me réservait de rares émotions.

C'était très beau. J'espérais réunir pendant longtemps les données de mes futures découvertes. Mais un phéno- mène nouveau, étrange, incroyable, se produisit, dont je tardai à m'apercevoir et que je ne constatai définitivement que lorsqu'il se fut tout à fait établi : je conduisais mes rêves. Ma volonté ne s'endormait plus, se séparait de mon esprit et le guidait dans son sommeil. Cela commença par des étincelles d'énergie qui illuminaient l'atmosphère indécise où planent les songes. Puis, de petits romans s'ébauchèrent, dont je sentais que le dénouement s'aban- donnait à ma discrétion ; puis je construisis à mon gré, toujours assoupi, des histoires complètes, et ma volonté, enfin, choisit ses rêves, détermina les moindres détails de mes imaginations nocturnes. Me comprenez-vous bien ? Je pouvais, comme je l'eusse fait à l'état de veille, inventer, forger, créer, mais le sommeil donnait un caractère de vérité, d'authenticité, à ces songes volontaires. J'étais en quelque sorte le Souverain Maître d'un monde dont je négligeais ou bouleversais les lois physiques, où Justice et

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