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830 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

encore assez clairs, j'éprouvais la plus grande difficulté à les reconstituer fidèlement : un jour, entre deux fortes impressions, s'échappait une image intermédiaire et pour- tant essentielle ; une autre fois, après un long effort, je m'avouais impuissant à décrire tel objet qui, néanmoins, restait, en ma mémoire, à la place et dans la forme que le rêve lui avait attribuées. Mes cauchemars, surtout, perdaient de leur vigueur et, malgré moi, déviaient, lorsque je m'attachais à les reproduire. Avec le temps, j'en décou- vris la raison : je me mettais trop tard à reconstituer des rêves qui s'échappent vite de l'esprit où, à vrai dire, ils n'ont guère de racines. C'est au réveil, c'est au milieu de la nuit, dès que leur dernier coup d'ailes a soulevé nos paupières qu'il faut noter les songes, pour être sûr de n'en rien laisser échapper, — de n'y rien ajouter, non plus.

Le soir même, je plaçai un crayon et quelque papier sur ma table pour transcrire, séance tenante, dans leur fraîcheur et leur vivacité, les évagations de mon cerveau endormi.

Cette idée me tourmentait, et je voulais approfondir, non dans leur cause, mais dans leur résultat, ces mystérieux mouvements de l'âme qui projettent d'étonnantes lumières sur l'ombre du sommeil. Je devinais déjà, et l'expérience devait m'en apporter la preuve, que le rêve, dont l'homme a méprisé l'étude, renferme, en son inharmonie, de bons enseignements. Certes, je ne lui reconnaissais aucune vertu prophétique, je ne prétendais ressusciter ni l'oniro- mancie ni l'alchimie somniale. Et ma curiosité, pour scientifique qu'elle était, ne portait pas non plus sur la nature spécifique des songes : je me promettais simplement d'étudier, en réunissant force matériaux personnels, les

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