Page:NRF 8.djvu/820

Cette page n’a pas encore été corrigée

8 12 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je tiens neuf lettres. J'en réserve cinq dont je connais l'écriture et dont je devine le contenu. Mais les autres... les autres ?. .. Une recommandation pour un jeune ambi- tieux... Un prospectus ! Affranchir un prospectus à dix centimes pour flanquer des émotions pareilles !... Ah, oui, un ancien client. Je passerai son affaire à Bernheim. .. Et celle-ci, la dernière, cette grande enveloppe blanche, cette écriture large et ronde, ce cachet B. J. ? Est-ce dans celle-là... Non, non,... Ah !... Au feu, la lettre B. J. au feu.

Vraiment, ce ne serait pas pour ce soir ? Huit heures et demie. Il pourrait encore venir du monde. Il viendra sûrement quelqu'un. Ce sera pour ce soir.

Autrefois aussi, j'attendais. Mais sans en avoir conscience. Mes meilleures affaires enlevées, mes plus belles amours conquises, je retenais mon souffle, je dressais le nez, et j'écoutais... Mais je ne savais pas discerner comme j'ai appris à le" faire, ni voir en moi-même, ni me juger. Et dans ma jeunesse, comme aujourd'hui, mais sans m'en douter alors, machinalement, j'attendais... Je n'ai jamais éprouvé de surprise, j'ignore ce que c'est que de crier : enfin ! et de se croiser les bras en remuant la tête, en prenant les glaces à témoin, en chantonnant : " Ça y est, ça Y est " ! Ce qui vient à s'accomplir dans mon existence, une fois passé, me semble prévu, ou tout au moins normal, régulier. Ce que d'autres tiendraient pour providentiel, je le considère comme logique, comme nécessaire, moi... Je revois quelques faits. . . notables. . . des attitudes. . . qu'on n'oublie guère...

Je touchais à la trentaine. Le patron me donnait quelques billets de cent francs, de ci, de là. Il vieillissait.

�� �