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77^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Dans le train qui m'emportait, l'autre année, de Pise à Florence, un jeune pisan fier de sa ville, me demandait d'un air malicieux : " Avez-vous vu la " vergognosa " ?" comme s'il n'y eût eu rien d'autre à remarquer dans les fresques de Gozzoli, que la femme qui feint de protéger ses yeux de l'impu- dique nudité de Noé, mais, écartant les doigts, regarde. Avec l'écho du Baptistère, c'est la curiosité principale que désignent les guides aux touristes vulgaires. Je réponds " Oui ! " — mais du diable si je l'ai cherchée, dans le beau rythme des Vendanges ! Là-dessus le jeune pisan rit très fort et je n'avais qu'à l'imiter, à contre-cœur.

Mais quoi . par la bouche de ce jeune homme inculte, pensai-je, qui sait si la voix publique n'a pas raison, — moi, tort. Une femme surprise dans ce double geste de décence apprise et d'instinct, ce trait humain, clairement rendu par l'image, est peut-être d'une importance plus grande — j'entends dans l'ordre de l'art et plastiquement — que le spectacle d'une foule harmonieusement mêlée, bariolée et balancée, qui ne touchera que nos sensi'...

Laissons réfléchir à cela notre ami D... jusqu'à Florence. S'il pose ainsi la question, Florence lui répondra.

{A suivre^ Henri Ghéon.

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