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754 Ï-A NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Comme elle est lourde cette mer sur laquelle flottent d'impondérables côtes ! Partage décisif de la terre et des eaux ; voilà un bien étrange para- doxe : la terre semble ici l'élément fuyant et fluide, une vapeur, une ombre ; l'eau, la matière dense, l'armature. Ce sera là le principal grief d'un occidental comme D... contre la Méditer- ranée, même française.

Il fait beau et vif. Des nuages passent, en variant sur les montagnes les effets de sombre et de clair. Le vent souffle. Il excite notre pensée. On a envie de chanter haut tout ce qui la traverse à la volée — et qui n'est déjà plus derrière nous qu'une sorte de bouillonnement amorphe, comme celui de la grande route d'écume que trace notre sillage au loin...

D... s'abandonne à ses sensations, mais se méfie d'une inconsciente pensée. Dans un esprit trop prompt, le voyage tend à créer des illusions singulières. N'est-ce pas là la même chaîne et jusqu'aux flots la même pente, qui, depuis Nice, se déroulent ainsi devant lui ? — Il n'y reconnaît plus la patrie. A peine dépassée l'arche du pont qui marque la frontière, son esprit s'aiguise et travaille. Il veut découvrir dans le moindre aspect, un caractère neuf, étrange — un caractère italien. Il prétend qu'un ordre autochtone préside au groupement des petites maisons, dans ces bour-

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