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NOTES 737

ou les sentiments susceptibles d'émouvoir les trouvent insen- sibles, tandis qu'ils vibrent au contact des idées. La sensibilité ne se découvre pas tout de suite sous des apparences directes : c'est dans la pensée qu'on la discerne, dans les théories anxieu- sement agitées, comme si, avec chacune d'elles, il s'agissait d'une question vitale. "

On ne résume point un commentaire, surtout — et c'est ici le cas — lorsque tout élément anecdotique ou extérieur en est banni avec une sorte de pudeur orgueilleuse. Citons plutôt une page entre plusieurs qui font preuve d'un sens critique délié, dans une forme qui n'est sans doute elliptique que par crainte des mots inutiles, c'est-à-dire par politesse.

" C'est par le fait des penchants tristes qu'on a de la propen- sion au paradoxe. Un lettré curieux s'intéresse sincèrement à l'argumentation bien conduite d'une doctrine indéniablement fausse. M. Barrés qui possède admirablement la psychologie du lecteur, et aussi parce qu'il aime examiner sj-mpathiquement ce que le monde, ou plus généralement le sens commun, déplore, se montre volontiers paradoxal. De cette clairvoyance d'écri- vain procède aussi son adresse à nous intéresser par de petits côtés. Telle description qui vous plaît, sans plus, devient très suggestive quand on la relie à vous par un fil imperceptible et insoupçonné. Certains jeunes gens, désireux de se signaler, se désolent de ne rien trouver de nouveau à dire ; assurez-les en passant qu'on n'a jamais rien inventé sur une chaise, et qu'un fauteuil à oreillettes est indispensable pour méditer, les voilà heureux : ils ont découvert la raison de leur stérilité. Ce besoin, en outre, d'installer confortablement son corps pour employer son esprit flattera ceux qui ont accoutumé de considérer la pensée comme un produit ennuyeux et austère, une doublure de la vertu. Un grand homme qui prend un bock regagne par sa bonhomie ce qu'il perd en majesté. "

J. S.

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