Page:NRF 8.djvu/708

Cette page n’a pas encore été corrigée

702 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans le premier dictionnaire venu, comme nous trouverons ses conseils moraux dans le catéchisme. Et surtout, Virgile maniait une forme continuellement admirable, tandis que Jammes n'at- teindra que de temps en temps à la plénitude absolue. En quête d'un ensemble, il nous faut revenir aux morceaux. Ce n'est pas notre faute si la conception du poème reste hybride dans le principe et contrarie l'élan que l'on devine par dessous ; si les défauts au lieu de se dissimuler font bosse, si en un mot le poème de Jammes, qu'il a rêvé d'airain ainsi qu'une cloche éternelle, est le moins solide qu'il ait écrit, le moins serré et le plus artificiel, en dépit du sentiment même qui l'anime et qui aveugle le poète sur une apparente unité. Qui dit unité dogmatique ne dit pas unité d'art ; et qui tient la première n'est pas quitte pour cela de l'autre. La lettre de Jammes à La Croix nous avait déjà prévenus que désormais il tend à les confondre. En quoi il va contre son but, et ceux qu'il eût rêvé convaincre par son beau chant religieux seront les premiers à pâtir de cette erreur d'art...

Allons cueillir quelques beautés, dans les Géorgiques Chrétiennes. Ce ne sont pas des maximes, des vers dorés, mais des récits, des tableaux, des dialogues. Voyez cette femme qui s'avance portant la cruche :

La cruche n'était plus sur le front un fardeau, Couronne de travail faite de terre et d^eau.

Une ancienne, le bras recourbé comme une anse. Et qui, rentrant des puits, respirait la puissance.

Elle s^ arrêta net laissant sur tous planer Son regard d'ombre avant de se découronner.

Admirez cette vive peinture des noces, que M. Faguet a le mauvais goût de trouver banale :

On eut dit dans la cour les noces de Gamache; Des commères ceignaient des tabliers sans tache.

�� �