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LA MÈRE 651

rement teintées, comme le reste du visage, de cette nuance d'oignon indiciblement délicate. Les yeux, cernés d'ombre, brillaient... Du reste, elle paraissait simplement fatiguée et demeurait étendue sans dire grand'chose. Mais une étrange agitation se manifestait au balancement de sa jambe qui, sans trêve, allait et venait ; et cela, chez elle, pouvait être un indice de maladie. A tout prendre, enfin, il n'y avait qu'un peu de fièvre. Van Leer rédigea une ordonnance...

En relevant la tête, il aperçut Mrs. Almeida comme pétrifiée. Elle tenait un regard fixe appuyé sur sa fille, muette, sans proférer son habituel gémissement, mais son visage aux rides nombreuses s'était figé dans l'expression du désespoir le plus profond. Allons bon ! pensa Van Leer.

Et comme nulle explosion ne suivait, il s'inquiéta. Quoi ! cela ne venait donc pas, allait-elle rentrer cela, et qu'allait-il se passer ? Il connaissait son effroyable empor- tement, mais voilà qui était pis. En lui remettant l'ordonnance. Van Leer jeta un regard prolongé sur Mrs. Almeida. Ses yeux s'étaient éteints, elle paraissait calmée tandis qu'elle s'avançait, les reins brisés, jusqu'à la balustrade de la vérandah pour interpeller en malais quelqu'un dans le jardin. Un cooli chinois répondit, vint, prit le papier pour aller à la pharmacie.

Alors Mrs. Almeida s'étant retournée, se passa la main sur le nez, sur la bouche, renifla et regarda tout autour d'elle, — geste que Van Leer reconnut comme étant particulier aux mères. Elle se moucha, promena un regard vide aux quatre coins du monde, l'un après l'autre, comme quelqu'un qui est dépossédé de tout.

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