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642 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

personnage silencieux, qui dormait dans un fourreau de planches épaisses, les yeux ouverts, des yeux vert-jaune dont la pupille s'étrécissait comme une rainure. Sau- tillant entre les cages, peureuse, avec des menaces, Mrs, Almeida atteignit enfin le crocodile qui avait un petit air sage et vraiment inofFensif. Mrs. Almeida n'y put résister : avec un susurrement câlin, émue aux larmes, elle in- troduisit un doigt dans l'intervalle des planches pour gratter la carapace du gentil crocodile. Mais alors, dans le fourreau, le monstre se mit à s'agiter : un seul soubre- saut électrique de toutes ses forces qui fit sonner la cara- pace et les planches comme si elles éclataient, tandis que de vilaines dents surgissaient de la gueule, se disjoignaient, puis se refermaient avec fracas. Mrs. Almeida poussa un hurlement. La vieille femme eut un soubresaut de terreur, retomba sur ses pieds, mit la main sur son coeur et faillit s'évanouir. Seul le rire contagieux du Dr. Van Leer put la sauver d'une syncope. Mais Mrs. Almeida, remise de son alerte, prit un bâton et, silencieuse et vindicative, l'insinua dans une fente, visant l'un des yeux du monstre. Le crocodile ferma son œil, dont la paupière osseuse est armée d'une épine, et Mrs. Almeida ne pouvant atteindre ce hideux œil jaune, dut avec un soupir renoncer à sa vengeance. Elle assouvit alors ses besoins de tendresse en cajolant un jeune tapir qu'ils rencontrèrent dans une sente et qui laissa flatter sa petite trompe pour avoir une banane. La visite à la ménagerie était terminée. Mon Dieu ! Sussie...

Mrs. Almeida se précipita vers la maison. Tous les coq-à-l'âne qu'elle n'avait cessé de débiter durant leur promenade au milieu des bêtes, flottaient dans l'air der-

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