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558 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

très-haute suprême pointe de mon esprit. Tout le reste de mon âme et ses facultés n’en ont point joui : mais elle n’a duré environ qu’un demi Ave Maria. »

Arthur Rimbaud apparaît en 1870 à l’un des moments les plus tristes de notre histoire, en pleine déroute, en pleine déconfiture matérielle et morale, en pleine stupeur positiviste. Il se lève tout-à-coup. « Comme Jeanne d’Arc ! » s’écriera-t-il plus tard lamentablement. Il faut lire dans le livre de Berrichon le récit tragique de cette vocation. Mais ce n’est pas une parole qu’il a entendue. Est-ce une voix ? Moins encore, une simple inflexion, mais qui suffit à lui rendre désormais impossible le repos « et la camaraderie des femmes. » Est-il donc si téméraire de penser que c’est une volonté supérieure qui le suscite ? Dans la main de qui nous sommes tous : muette et qui a choisi de se taire. Est-ce un fait commun que de voir un enfant de seize ans doué des facultés d’expression d’un homme de génie ? Aussi rare que cette louange de Dieu dans la bouche d’un nouveau-né dont nous parlent les récits indubitables. Et quel nom donner à un si étrange événement ?

« Je vécus, étincelle d’or de la lumière nature ! — De joie j’en prenais une expression bouffonne et égarée au possible. » Une ou deux fois la note d’une pureté édénique, d’une douceur infinie, d’une déchirante tristesse, se fait entendre aux