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554 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

point, comme sur beaucoup d'autres d'ailleurs, il offre un air de ressemblance singulière et presque de parenté, avec Paul Léautaud. De sorte qu'il est malaisé d'admirer l'un sans éprouver pour l'autre une estime égale, presque impossible de tracer du premier un portrait ressemblant sans emprunter quelques traits à la physionomie du second. Phénomène captivant, que les historiens littéraires de l'avenir étudieront sans doute.

On sait que M. Maurice Boissard est critique dramatique. Or, il se fait de sa fonction une idée tout à fait personnelle, et l'exerce d'une manière qui, si elle était imitée, renouvellerait fort heureuse- ment un genre littéraire qui est ordinairement si stérile. Il est rare que M. Boissard parle des pièces de théâtre avec quelque développe- ment. A leur occasion, il entretient le lecteur de ses propres senti- ments, de son humeur, de son caractère et de ses idées. Cela n'avance pas beaucoup la rénovation de l'art dramatique. Mais combien de personnes sérieuses, en France, voyons-nous s'intéresser aujourd'hui aux choses du théâtre ? Et, frustrés de quelques mornes " compte- rendus ", nous sommes en revanche redevables à M. Boissard de mainte page autobiographique au travers desquelles s'ébauclie une curieuse figure de philosophe et d'artiste qui serait, croyons-nous, fort sympathique à Paul Léautaud.

Voici un fragment de la " chronique théâtrale " que M. Boissard a donnée au Mercure de France du i" Août :

" Qui n'a pas son petit horizon, qu'il soit pauvre ou riche, qu'il habite la rue Mouffetard, une avenue du Parc Monceau, ou quelque paisible campagne ? Moi qui ne suis plus jeune, et qui ai déménagé souvent, j'en ai eu dans ma vie un certain nombre, dont je n'ai pas oublié un détail, un trait, une couleur. Ce furent pendant longtemps de simples toits de maisons avec leurs cheminées, quand j'étais jeune et fort pauvre. " Beaux jours de ma misère et de ma solitude ", comme disait Chateau- briand. Ce furent ensuite le calme jardin de l'hôpital des Frères Saint-Jean-de-Dieu, quand j'habitais rue Rousselet, puis les monotones fenêtres des appartements des maisons vis-à-vis de la mienne, quand j'allai habiter dans d'autres rues, Aujour-

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