Page:NRF 8.djvu/541

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 535

coup ; et en avoir une idée si vive et si forte, qu'elle nous fasse rejeter sans hésiter tout ce qui n'y répond pas. — Cette idée et cette impression vive, qui s'appelle sentiment ou goust, est tout autrement subtile que toutes les règles du monde ; elle fait apercevoir des défauts et des beautés qui ne sont point marquées dans les livres. C'est ce qui nous élève au dessus des règles, qui fait qu'on n'y est point asservi ; qu'on en juge, qu'on n'en abuse point ; et qu'on ne les suit pas en ce qu'elles ont de défectueux et de faux. Enfin c'est cette idée vive qui s'exprime et se représente dans ce qu'on écrit : au lieu que les préceptes demeurent toujours stériles, tant qu'on ne les connaît que par spéculation et par raisonnement, et que l'esprit n'en est pénétré par cette autre sorte de connaissance. " Voilà qui n'est pas d'un pédant ; aussi bien les pédants du XVIIP siècle le dédaignèrent. "La prestesse du récit dans la prose, la limpidité du vers, la facilité du rythme dans la poésie, enfin, dans les diverses œuvres le choix savoureux des mots, ces qualités existent bien chez lui ; mais il a, en plus de ses émules, une sorte d'heureuse négligence, d'abandon exquis et naturel au moyen de quoi il les masque. " Et M. Pilon conclut par le mot de Taine : " Il n'a pas l'air d'un écrivain. " C'est bien de quoi lui en ont voulu les pédants.

Produit dru et direct du sol sous une certaine culture, tel fut le génie de Watteau, comme celui de la Fontaine. Ce n'est point par hasard que M. Edmond Pilon les a l'un après l'autre choisis, mais par amour. Comme tranchait le fabuliste sur presque tout son siècle, Watteau tranchera sur le sien — mais Watteau sera suivi. Ici, M. Pilon prend sa revanche de poète ; il n'a point qu'à citer ; il doit tracer un portrait en pied de l'artiste avec toutes les préparations, tous les dessous possibles et le plus grand éclat possible de couleur. L'image est d'une grande force et d'une lucidité parfaite. Le bilan des influences flamandes, vénitiennes et françaises est rigoureusement établi. Mais, entreprise plus ardue, M. Pilon nous montre

lO

�� �