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LA LITTÉRATURE 497

villages et des eaux. Tout concourut à faire de la contemplation de la Savoie par un portique de verdure, un lever de rideau splendide et comme le préambule du voyage sentimental que j'entreprends aujourd'hui. "

Cela est bien curieusement symbolique. Cette tapisserie, qui est un rideau de théâtre, voilà l'intermédiaire dont un Savoisien, muni pourtant de bonnes jambes et de bons yeux, eut besoin pour voir et connaître son pays. Intermédiaire, bien entendu, tout factice, et qui, dès le début, nous avertit que cela va être de la littérature. Et alors nous sommes préparés à trouver à chaque page des fautes de goût comme celles-ci :

" Des fillettes, couronnées d'une guirlande de liserons, riant et poussant devant elles à coups de baguette une chèvre blanche et noire, déroulent sur le chemin une véritable frise de Clodion. " (p. 55). (Clodion pouvait dérouler des frises de fillettes, mais des fillettes ne déroulent pas une frise de Clodion, Que ces coups de Kodak, d'un pittoresque érudit, sont dé- plaisants !)

" 11 semble que les religieux d'autrefois, par une entente merveilleuse du décor et de son influence sur l'âme humaine, aient voulu disposer ainsi les étapes du recueillement. Le choix de la retraite révèle chez eux un merveilleux instinct des beautés naturelles ; ils apportaient à choisir le lieu de leurs méditations le même art qu'à composer les miniatures de leurs antiphonaires ; il y a toujours, dans les paysages où ils se sont arrêtés pour préparer leur mort, un rêve d'enlumineurs. " (p. 78). Prêter aux Cisterciens et aux Chartreux d'autrefois notre intoxication littéraire, trouver dans Saint Bernard et Saint Bruno des prédécesseurs de M. Barrés, c'est assez curieux. Les ermites de la Thébaïde, étaient-ils attirés au désert par la suavité des couchers de soleil ? Pareillement : " Au milieu des tombes, un prêtre, en soutane noire, tête nue, manches retroussées, consolide un vieux lutrin à coups de marteau et renouvelle pour moi, sans s'en douter, une image d'évan-

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