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CHRONIQUE DE CAERDAL 483

lemant l'eût été, s'il y en avait eu un au seizième siècle, avec une sorte d'instinct et d'appétit insa- tiable pour les mots du fond et les actions terribles. Ce goût est royal.

Suétone n'a pas l'esprit à rire. Il est le plus impassible des témoins, le plus froid en apparence. Il conte les faits de la puissance, comme Hippo- crate ceux de la peste. La Rome des Césars res- pire une force immense ; et un immense mépris de l'homme. Les anecdotes de la souveraineté font sa charnelle haleine. L'excès en tout est la mesure ordinaire de Rome impériale.

Il n'est pas vrai que Suétone soit d'une petite vérité ou suspecte. C'est avec Suétone que l'on critique toutes les histoires. Cet homme voit et a vu. Il fait voir aussi. Il a bien plus de pointe que Plutarque. Il a le besoin de l'exactitude : il la poursuit où elle est, dans le secret des passions. Il est certain qu'il fouille les archives, les maisons et les lieux. Il prend des notes. Il est chasseur de mystères. Il s'informe, et se décide. Le dessin de ses Vies me semble bien solide. Le Jeune Pline paraît de très faible portée, avec toute son élégance d'avocat célèbre, près de cet esprit si avide, si nourri de la vie, et si peu borné aux livres.

Suétone est le premier et le plus grand des admirables chroniqueurs de l'Italie. Il est le Vil- lani de l'Empire. Il a vécu au meilleur moment. Son style est celui de la grande chronique. Il est

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