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CHRONIQUE DE CAERDAL 475

gué, comme il y en a tant. Très érudit, et passant pour l'être, épris de recherches curieuses sur les origines, un savant enfin : il écrit, on le sait ; il paperasse beaucoup ; et les meilleurs auteurs du temps, sans trop savoir pour quoi, l'estiment. Il publie peu, ou pas. On dirait même que le second Pline le craint ; et il me semble, en effet, que les écrivains de l'époque ont dû sentir avec Suétone une sorte de gêne, faite de révérence et de soupçon.

Cet homme, qui vit comme tout le monde, silencieux, un peu effacé, sans aucun éclat, il a, sans doute, un regard perçant et de longues pau- pières. Avec son air de baisser les yeux, il vous regarde sous la peau ; il vous dépouille un passant dans la rue, et le suit de l'œil, plus loin qu'au tournant de l'épaule ou de la route. S'il est assis à la même table, il vous déshabille le convive ; et pour ceux qu'il rencontre familièrement, il les fouille jusqu'au creux de l'os. Silencieusement. On pourrait n'y pas prendre garde. Mais, sous les paupières lourdes, ce clair regard à l'aiguillon rapide ramène, comme l'hameçon bien lancé et bien courbe, le poisson du secret, la pièce rare, à i'abri des feuilles mortes et des roseaux, mécon- naissable dans le flot trouble ou invisible, dans l'eau croupie de la mare.

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