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LE PATHÉTIQUE DES MENDIANTS 467

menèrent campagne. Ce sont les Dominicains, les Domini Canes^ qui pourchassèrent les Albigeois et les Cathares. Saint François fit mieux encore. " Il ne livre nulle bataille. Il ne raisonne pas, il oublie la mêlée et le heurt des doc- trines : il ne voit que des hommes qui avaient faim de Dieu. Il ne cherche pas à détruire le dualisme funèbre, le clair-obscur farouche du cauchemar albigeois : mais, par la naïveté et la tendresse de son cœur, par son senti- ment délicieux et poétique des choses, il retrouve la sim- plicité adorable du plan divin, l'unité de la vie. Il voit que l'univers est une œuvre d'amour. "

Enfin pour s'expliquer le succès des mendiants, il faut se faire une idée de l'émotivité des foules du moyen-âge, de leur faculté d'exaltation, de leur état d'illuminisme, de leur promptitude à se mobiliser à la suite d'une idée, d'un fantôme, d'un mirage. Tout le treizième siècle est tra- versé par ces grandes houles, par ces mystérieuses lames de fond. " L'homme si longtemps attaché à la glèbe s'en arrache comme une poussière en longues colonnes flot- tantes que chasse un esprit tout-puissant : la terre se mélange de ciel. Faut-il rappeler la Croisade des enfants, la croisade des pastoureaux, ces jacqueries mystiques, ces phénomènes inexplicables qui soulevaient des multitudes éprises et altérées d'un songe ? Ils partaient, les yeux pleins de la Terre Promise, et à chaque village deman- daient si c'était là Jérusalem : ils croyaient, ces enfants, que comme jadis devant Israël, la mer s'ouvrirait devant eux afin de se laisser traverser à pied sec. Ils attendaient le miracle. Le miracle, n'était-ce pas leur sublime con- fiance ? On n'eut jamais de leurs nouvelles : nul ne sait ce qu'ils sont devenus. Absorbés par un rêve, ils s'éva-

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