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460 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tête raidie par les douleurs : " O mère des affligés, proféra-t-elle comme si elle se fût adressée à la grande déesse antique, qui donc donnera la pâture à mon petit si mes seins sont vides ?

Qui donc remplira son corps pour lui faire du sang, puisque je n'ai plus ni jeunesse, ni force ? "

Et elle retomba sur son lit. L'enfant criait entre ses bras décharnés.

La porte s^ouvrit; le père entra, une couverture usée jetée sur le dos, un paquet sous le bras. Il regarda sa femme puis l'enfant de cet air tranquille et résigné du travailleur malheureux.

Son absence et son retour se faisaient sentir en même temps.

Il était parti à l'aube, aux premières douleurs de l'enfantement, pour chercher à plusieurs lieues de là, chez un parent, un vieux coq, promis à l'accouchée pour fêter sa délivrance.

" Ah ! fit la mère, on t'a donné le coq ! tue-le vite, fais le bouillon ! L'enfant a faim, mes seins sont vides, les chèvres n'ont pas de lait en cette saison et ici aucune femme ne peut nourrir deux enfants. La misère commence pour le petit ! Nous autres nous sommes accoutumés à pâtir, à jeûner, mais l'enfant.... Comme les autres est-il condamné à mourir ? Faut-il donner la vie de sa vie pour la voir détruire par la faim ? O mère des désemparés, mère des mères, prends mon fils en pitié, envoie- lui la subsistance, puisqu'en moi la source en est

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