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LE MATADOR DES CINQ VILLES 327

— Eh bien, jeune homme, vous avez passé ime jolie nuit, et vous l'avez bien voulu, ma foi !

Il sourit et je souris.

— Qu'est-ce qui va se passer, là-haut ? dcmandai-je en désignant Toft End.

— Que voulez-vous dire ?

— Un homme comme celui-là, laissé seul avec deux marmots !

— Oh ! dit-il. Ils sauront bien s'arranger. Sa sœur est veuve. Elle viendra habiter avec lui. Elle aime déjà ces enfants comme si c'étaient les siens.

Il freina devant son portail.

— Ne manquez pas d'expliquer à Brindley, dit-il, comme je le quittais, que ce n'est pas du tout ma faute si vous avez passé une nuit hors du lit, et que c'est vous- même qui en êtes cause. Je vais dormir un petit peu maintenant. Je vous verrai ce soir. Bob m'a invité à dîner.

Une servante balayait le porche de la maison de Bob Brindley et la grande porte était ouverte. J'entrai. Le son du piano me guida vers le salon. Brindley, la cigarette matinale aux lèvres, était entrain de jouer la Bourrée fantasque de Chabrier. Il tenait la tête penchée en arrière pour empêcher la fumée d'aller dans ses yeux. Ses enfants, en jerseys bleus, faisaient des constructions sur le tapis.

Sans cesser de jouer il me dit tranquillement :

— Vous en faites de belles ! Où diable êtes-vous allé ? Et l'un des petits garçons, levant les yeux, dit, avec

l imitative espièglerie de l'innocence, d'une voix haute et perçante :

— Diable êtes-vous allé ?

Arnold Bennett.

[Trad. Falery Larbaud)

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