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LA CONQUE d'or I9

veille de l'Assomption ; on y donnait le Salut, après l'Office de la Vierge. Hormis l'autel étince- lant de mille feux, tout n'était que mystérieuses ténèbres, molle pénombre des voûtes. La poésie de Compiles me gonflait le cœur. Je sentais s'y confondre tant de choses : la mélancolie de l'après- midi qui s'achève, la halte insaisissable entre le crépuscule et la nuit, le seul instant de beauté, si la beauté réside dans le repos, où se puissent replier, vers la fin du jour, les âmes vouées aux durs labeurs et aux tâches ingrates, et, pour tout dire, l'atmosphère du soir d'Emmaûs. " Seigneur, disaient les deux disciples, il se fait tard... Et tout à coup, quand il eût rompu le pain, ils le recon- nurent." Ajoutez ces chants si tristes et si doux, ces élancements de l'âme, toute une catholique enfance qui fait irruption et déborde, et vous ressentirez, comme je l'ai fait, le voyage incertain, la pensée du lointain foyer, et, l'espace d'un moment, cette veillée de l'esprit pendant laquelle les anciens Hébreux, la nuit d'avant Pâques, se ceignaient les reins, et restaient debout jusqu'à l'aurore, pour signifier qu'ils étaient toujours prêts à partir.

Des femmes, agenouillées, des hommes, se tenant debout les bras croisés, m'entourent. Rien ne les distrait de leur contemplation ; parfois, cependant, un sévère regard m'avertit qu'ils me désapprou- vent, sans rien en dire, de ne point partager leur

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