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RÉFLEXIONS SUR LE ROMAN 243

cette conclusion, ce n'est pas nous qui la tirons du roman, c'est l'auteur qui en a tiré son roman. M. Bourget, et les auteurs de romans à thèse, croient n'avoir fait que du roman d'idées, parce qu'ils ne représentent pas nécessairement comme de malhonnêtes gens ceux qui, d'après eux, pen- sent faux, et que le professeur Monneron est un aussi brave homme que le professeur Ferrand. Mais Monneron et Ferrand n'en figurent pas moins des conclusions de l'auteur ; si la vie conclut contre l'un et en faveur de l'autre, ce sont les idées de l'auteur, les événements voulus par l'auteur, qui y ont obligé la vie. Tous deux sont des a priori^ comme leurs confrères de tous les romans à thèse, comme le Claude Gueux de Victor Hugo, et même comme TEudore des Martyrs. Le roman à thèse oblige le lecteur à une seule conclusion, et c'est pourquoi le son qu'il donne est mat, il ne vit pas, il ne se termine pas sur cet accent vital qu'est l'indétermination. Au contraire, tout roman vraiment représentatif de la vie sollicite le lecteur à des conclusions, et ce roman se comporte ici comme le théâtre. De Polyeuae, de Phèdre^ -des deux romans de Stendhal, de la Recherche de r Absolu, à^Anna Karé- nine ou de Fumée, je tire d'abord une émotion de vie ou de pensée, puis cette émotion se refroidit et se disperse en une infinité de conclusions pos- sibles, qui varient avec chaque époque et peuvent

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