Page:NRF 8.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

148 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à la Croisade n'a pas parlé de la reine ni de ses fils à qui que ce fut. Non, Sire très cher, vous même ne lui ferez pas dire que la manière est bonne. C'est en quoi cet homme de diamant, Joinville, a modelé une image immortelle : on ne verra jamais Saint Louis que selon- Joinville, et Joinville est à jamais visible en Saint Louis. Etant la fidélité même, la moindre de ses touches fait foi. Et lui seul, peut-être, a jamais pu écrire : " Je ne veux chose dire ni mettre en mon livre de quoy je ne soye certain. " Avec une âme aussi claire, il faudrait aimer son objet autant que lui.

Il est vrai comme la lumière. Mentir, après tout, c'est toujours céder. Joinville, à qui ou à quoi le ferait on céder, s'il ne s'y plie pas tendre- ment, ou fortement, de son gré . Toutes les vertus de l'homme éternellement libre sont en lui la respiration de la générosité naturelle. Rien de naïf, et la parfaite ingénuité.

Qu'on ne parle surtout pas de naïveté, sinon au sens de la pointe naïve, qui est celle du diamant au sortir de la mine, ou de la vertu non taillée qu'on apporte en naissant. La jeunesse de la lan- gue fait illusion, ici, à ceux qui ne la parlent pas. Joinville a la force et la verte candeur des cathé- drales. Mais les cathédrales ne sont pas naïves. La langue de ce grand siècle, dans la pierre et dans les mots, a sa perfection aussi. Les cathédrales sont les plus belles maisons, et de l'art le plus

�� �