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JULIETTE LA JOLIE II3

reuse ? La reverrait-il jamais ? Elle avait été son premier amour, et au moment de partir, il aurait voulu Tembrasser pour la première fois. De la pitié poiu" elle et pour lui- même lui amollissait le coeur.

Il regarda sa cousine. Elle souriait, joyeuse. Il la dé- testa. Il reconnut toute la ville et en découvrit la signi- fication. Tout le bonheur des hommes y pouvait tenir. On travaillait au grand air, on passait trois ans à la caserne, et l'on se mariait avec Juliette la jolie, comme le faisait, comme le ferait le Paul. Il faut aimer les récits de voyages; on peut même porter une ceinture bleue, mais ne nous en allons pas au loin. Ici les distractions ne manquent pas, et ceux qui prennent la vie par le bon côté ne sont point rares. Et lui qui s'en allait faire, sur terre et sur mer, des centaines de lieues !

Ils montèrent dans le petit train. Frébault, silencieux, mordillait sa moustache rousse. Il regardait son Louis. On traversa des bois. La locomotive sifflait avant de couper les routes. Ils aperçurent, à un toiu-nant, Gallois, bâton en main, sacoche sur les reins, qui prenait un chemin de traverse. M™* Frébault avait des tics nerveux. Ah ! la retraite aux flambeaux et les gifles ne comptaient plus. Il n'était plus question du cousin Leclerc, dont la présence hier encore la tranquillisait : son enfant allait partir.

Ils arrivèrent à la gare où les Chipé avaient attendu leur Lucienne. Elle était pleine de départs. Chaque minute passait, mourait à son tour. L'autre train s'annonça, soufflant comme ime bête terrible. Les Leclerc montèrent les premiers, suivis de Mélanie, leur bonne. Le Louis resta sur le quai. Puis il fondit en larmes en même temps que sa mère. Frébault mordillait sa moustache rousse.

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